Une nouvelle recherche lève le voile sur la maltraitance des personnes proches aidantes

Proche aidante et personne âgée
Proche aidante et personne âgée

Une étude approfondie menée par des experts du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal : la première du genre au Québec

Tous les jours, à l’échelle de notre réseau, un(e) conjoint(e), un fils, une fille ou un(e) ami(e) apporte un soutien à une personne qui reçoit des soins. Une recherche novatrice coordonnée par des spécialistes de notre CIUSSS met en lumière la manière dont ces personnes proches aidantes peuvent faire l’objet de maltraitance.

Les chercheuses ont organisé dix-huit groupes de discussion et trois forums régionaux réunissant des personnes proches aidantes et des travailleur(euse)s communautaires de partout dans la province et effectué quinze entrevues individuelles avec des personnes proches aidantes. Les résultats ont fourni un portrait de la prévalence de la maltraitance des personnes proches aidantes — la première recherche approfondie de ce genre au Québec. 

La recherche, dirigée par Sophie Éthier du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS), de la Direction des affaires académiques et de l’éthique de la recherche du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, a permis de documenter en profondeur la nature de la maltraitance des personnes proches aidantes et ce que les infirmier(ères)s et les autres professionnel(le)s des soins de santé peuvent faire pour y remédier.  

« Nous pouvons renverser la situation et créer une culture de bientraitance », explique Anna Andrianova, coordinatrice du domaine d’expertise en proche aidance au CREGÉS et coordinatrice de ce projet.  

Selon les résultats de la recherche, 46 pour cent des Canadien(ne)s, soit 13 millions de personnes, ont joué le rôle de personnes proches aidantes à un moment ou à un autre de leur vie, principalement auprès d’un(e) aîné(e). Les tâches peuvent être très variées, allant de donner le bain à la personne et de veiller aux tâches ménagères en passant par la conduire à un rendez-vous médical ou offrir un soutien affectif. 

Bien que ces rôles essentiels aident les proches à vivre indépendamment et à maintenir leur qualité de vie, les personnes proches aidantes peuvent parfois être victimes de maltraitance, malgré leur dévouement et leur compassion.

Qu’est-ce qu’une personne proche aidante?

Toute personne qui apporte un soutien à un ou à plusieurs membres de son entourage qui présentent une incapacité temporaire ou permanente de nature physique, psychologique, psychosociale ou autre, peu importe leur âge ou leur milieu de vie, avec qui elle partage un lien affectif, familial ou non.

Le soutien apporté est continu ou occasionnel, à court ou à long terme, et est offert à titre non professionnel, de manière libre, éclairée et révocable, dans le but, notamment, de favoriser le rétablissement de la personne aidée, le maintien et l’amélioration de sa qualité de vie à domicile ou dans d’autres milieux de vie.

Il peut prendre diverses formes, par exemple le transport, l’aide aux soins personnels et aux travaux domestiques, le soutien émotionnel ou la coordination des soins et des services. Il peut également entraîner des répercussions financières pour la personne proche aidante ou limiter sa capacité à prendre soin de sa propre santé physique et mentale ou à assumer ses autres responsabilités sociales et familiales.

Source: Gouvernement du Québec

La plupart des personnes pensent que la maltraitance peut provenir de ceux (celles) qui reçoivent des soins. Cependant, les résultats de la recherche, publiée dans Gérontologie et société et reprises dans Perspective infirmière (page 34), cerne trois autres sources : l’institution, l’entourage immédiat et des amis de la personne proche aidante et la personne proche aidante elle-même, qui néglige ses propres besoins et a des attentes irréalistes envers elle-même.  

« Au début de la recherche, nous savions que la maltraitance des personnes proches aidantes existait, mais nous n’en connaissions pas la prévalence », ajoute Madame Andrianova. « Nous avons maintenant des exemples concrets de ce que les personnes proches aidantes vivent quotidiennement. »

L’un des exemples concrets cités dans la recherche met en lumière un cas dans le cadre du système de soins de santé. Lors d’une consultation avec un(e) patient(e), un travailleur(euse) de la santé a demandé à la personne proche aidante de quitter le bureau. Par la suite, lorsque la personne proche aidante pose des questions au sujet du cas, l’intervenant(e) lui répond que cette information a déjà été transmise au (à la) patient(e).

« L’attitude de plusieurs professionnel(le)s, leurs soupirs à l’arrivée des personnes proches aidantes ou leurs commentaires : « Que faites-vous ici? », montrent que les personnes proches aidantes sont souvent exclues des décisions et que leur implication n’est pas toujours souhaitée », selon le rapport de la recherche.

La maltraitance peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir de discréditer les capacités de la personne proche aidante, de lui imposer des tâches, de remettre en question son expertise ou de ne pas lui fournir l’information nécessaire pour qu’elle puisse remplir son rôle. 

Selon Madame Andrianova, la culture peut changer, et les infirmier(ère)s sont des partenaires essentiel(le)s dans ce processus. Ils (elles) peuvent accompagner et appuyer les personnes proches aidantes, être à l’écoute de leurs expériences, et valoriser leur apport.

Anna Andrianova, coordonatrice du domaine d’expertise en proche aidance au CREGÉS et coordonatrice du projet
Anna Andrianova, coordonatrice du domaine d’expertise en proche aidance au CREGÉS et coordonatrice du projet

« Il est réellement important de reconnaître les personnes proches aidantes dès le départ. Lorsque vous les reconnaissez, vous pouvez commencer à travailler en partenariat avec elles. Vous pouvez vous intéresser à leur réalité. »

Anna Andrianova

Les chercheuses ont conçu une ‘Boîte à outils’ visant à prévenir la maltraitance des personnes proches aidantes et à favoriser les comportements positifs; elle comprend une affiche, des dépliants, un guide d’animation et des exposés PowerPoint narrés. La Boîte à outils est disponible auprès de Proche Aidance Québec.

Cette recherche constitue un autre exemple du leadership du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal dans le domaine de la proche aidance; elle s’appuie sur quatre décennies d’expertise. Dernièrement, le CIUSSS s’est vu confier la responsabilité de mettre sur pied l’Observatoire de la proche aidance du Québec.

Les principales chercheuses de cette étude récente sont Mesdames Éthier de l’Université Laval et Marie Beaulieu de l’Université de Sherbrooke, et ancienne titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées.