Comment deux réfugiés syriens ont surmonté les obstacles et réussi, une boule à la fois

La conseillère en adaptation au travail Hélène Letellier avec les frères Moustafa Alhilali (à gauche) et Anas Alhelaly à la crèmerie Sweemory, dans le quartier Cartierville, à Montréal.
La conseillère en adaptation au travail Hélène Letellier avec les frères Moustafa Alhilali (à gauche) et Anas Alhelaly à la crèmerie Sweemory, dans le quartier Cartierville, à Montréal.

Une équipe du CIUSSS aide deux frères qui vivent avec un handicap auditif à ouvrir une crèmerie

Les jumeaux Anas Alhelaly et Moustafa Alhilali sont arrivés au Canada en provenance de la Syrie avec l’espoir de réaliser un rêve. S’efforçant de se relever des cendres de la guerre et de rebâtir leurs vies, les frères espéraient ouvrir une crèmerie semblable à celle qu’ils avaient abandonnée dans leur pays d’origine.   

Ils ont dû faire preuve de persévérance et travailler d’arrache-pied — et refuser de laisser une perte auditive être un obstacle — pour faire de leur rêve une réalité. Et, ils y sont parvenus grâce à l’appui et à l’expertise de l’Équipe du Centre de réadaptation Lethbridge-Layton-Mackay de notre CIUSSS.

L’éducateur spécialisé Paul Evers et l’audiologiste Liliane Brunetti devant les composantes d’un implant cochléaire semblable à celui d’Anas Alhelaly.
L’éducateur spécialisé Paul Evers et l’audiologiste Liliane Brunetti devant les composantes d’un implant cochléaire semblable à celui d’Anas Alhelaly.

Aujourd’hui, Sweemory — un nom qui combine les mots sucre et mémoire — propose 24 saveurs de crème glacée maison et confirme qu’un handicap n’entrave pas la réalisation des ambitions.

« Nous misons sur les compétences des gens pas sur leurs handicaps », dit Hélène Letellier, conseillère en adaptation au travail au Centre de réadaptation Lethbridge-Layton-Mackay, qui a appuyé le projet des frères. « On ne regarde pas les compétences qu’ils n’ont pas, mais plutôt celles qu’ils ont. Leur projet avait beaucoup de potentiel, et il fallait trouver la bonne clé pour y arriver ».

Le parcours remarquable des jumeaux, qui sont passés de réfugiés à entrepreneurs, a commencé dans leur ville natale d’Alep. Ils avaient une crèmerie, appelée Cookies, où ils fabriquaient de la crème glacée et d’autres confiseries pour les Syriens qui avaient désespérément besoin de friandises pour adoucir la violence de la guerre civile. Les frères ont résisté aux pannes d’électricité, aux pénuries d’eau, aux tirs des missiles et même à un bombardement qui a fracassé la vitrine de leur crèmerie — jusqu’au jour où ils ont décidé qu’ils devaient s’enfuir.

Ils sont arrivés au Canada en 2018, comme réfugiés parrainés, et ont immédiatement entrepris de rebâtir leurs vies dans leur nouveau pays. Cependant, comme les frères âgés de 40 ans souffrent d’une perte auditive grave depuis leur naissance, ils se sont tournés vers le site MAB du Centre de réadaptation Lethbridge-Layton-Mackay pour un soutien en orthophonie et d’autres services. Et un jour, lorsqu’Anas a confié qu’il espérait ouvrir une crèmerie comme celle qu’il avait en Syrie, le Service d’aide à l’emploi est intervenu pour l’aider.

« Nous misons sur les compétences des gens pas sur leurs handicaps ».

Hélène Letellier, conseillère en adaptation au travail

Madame Letellier les a mis en contact avec SPHERE, un organisme sans but lucratif qui facilite l’accès à l’emploi aux personnes souffrant d’un handicap. Cette organisation a donné un énorme coup de pouce aux frères grâce à son programme de démarrage d’entreprises, et la Fondation des Sourds du Québec leur a accordé une subvention.

Ensuite, les frères ont trouvé un local à louer sur la rue de Salaberry, dans Cartierville, au nord de Montréal.

La fenêtre fracassée de la crèmerie des frères à Alep, en Syrie, endommagée par une bombe pendant les combats.
La fenêtre fracassée de la crèmerie des frères à Alep, en Syrie, endommagée par une bombe pendant les combats.

Avant l’ouverture de la crèmerie, l’audiologiste Liliane Brunetti, l’éducateur spécialisé Paul Evers et Madame Letellier ont visité les lieux et établi une liste de recommandations pour adapter le site au handicap des frères. Ils ont notamment recommandé qu’Anas porte un téléavertisseur qui vibre lorsqu’un client passe la porte ou qu’une alarme d’incendie est déclenchée.  

Les frères ont complètement rénové le local, installé l’équipement requis pour fabriquer de la crème glacée, peint les murs de couleurs acidulées et mis en œuvre les recommandations de l’Équipe de réadaptation. En août dernier, Sweemory a accueilli ses premiers clients.

« Ce sont des personnes remarquables », a déclaré Monsieur Evers. « Pour une personne ordinaire, ouvrir un commerce est un exploit. Pour une personne handicapée, les défis sont multipliés. Ils ont surmonté ces défis, et c’est une source d’inspiration.

Ils ont créé quelque chose dont ils peuvent être fiers ».

Paul Evers, éducateur spécialisé

La subvention de SPHERE a permis aux frères d’embaucher Daniela Ordonez, une employée à temps partiel, qui traite avec les fournisseurs au téléphone et répond aux clients dans la crèmerie. Anas, qui a un implant cochléaire et une prothèse auditive en raison de sa surdité profonde, tire parti de la technologie de transcription de la voix au texte qui lui permet de lire les mots d’une personne sur un écran.  

« Anas est un fonceur, et il ne laisse pas sa perte auditive être un obstacle », note Madame Brunetti, l’audiologiste d’Anas depuis quatre ans. « Les mots ‘ne peut pas’ n’existent pas pour lui. C’est remarquable ».

Les frères disent qu’ils éprouvent une profonde reconnaissance envers l’Équipe du Centre de réadaptation Lethbridge-Layton-Mackay et envers le pays qui leur a donné la chance de repartir à zéro. « Je lisais souvent des articles au sujet du Canada, et j’aimais déjà ce pays », ajoute Anas. « Je l’aime encore — la manière dont différentes cultures cohabitant avec respect et gentillesse, et la manière dont le gouvernement aide les gens ».

Selon eux, l’appui des membres du personnel du Centre de réadaptation Lethbridge-Layton-Mackay leur a donné la force de réaliser leur objectif. Maintenant, ils souhaitent distribuer leur crème glacée à d’autres établissements et mettre en place des menus de commande à écran tactile dans leur crèmerie pour faciliter la communication avec les clients.  

« Cet endroit était notre rêve », ajoute Anas en parlant de Sweemory dernièrement. « Il n’aurait pas pu devenir réalité sans le soutien d’Hélène et d’autres personnes. Ils ont cru en nous ».

Sweemory est situé au 5944, rue de Salaberry.